9.1.1 – Loi Santé et PLFSS2015

VERS UNE MÉDECINE D’ÉTAT

Le projet de Loi Santé, tel que publié fin juillet sur le site http://www.annuaire-secu.com, révèle un changement radical de paradigme pour notre système de santé. Outre la consécration de la généralisation du tiers-payant, c’est une véritable étatisation des soins, notamment dans leur organisation, qu’il promeut au nom de l’accessibilité aux soins, de la démocratie sanitaire, …

Au fil des titres, chapitres, articles, abrogations, modifications et innovations législatives, notre système de santé, en pleine crise, comme le reste du pays, souffrant d’un défaut de recettes et d’une croissance de ses dépenses, notre système de santé voit son squelette administratif renforcé au détriment des forces de soins toujours plus écrasées sous un joug administratif centralisé.

Généralisation du tiers-payant, service territorial de santé au public, groupement hospitalier public, contrats territoriaux de santé, … sont autant de mesures recentrant tous les pouvoirs aux seules mains d’un directeur général de l’agence régional de santé. Le Dossier Médical Partagé consacre l’échange d’informations entre les différents acteurs du soins et de sa prise en charge.

Ce dernier aura pour mission de décliner les objectifs définis par l’État qui en assurera au niveau national le suivi et l’évaluation ; les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie [sans mention ni précision sur la place des organismes COMPLEMENTAIRES d’assurance maladie …] « concourront à la réalisation des objectifs de a politique de santé et mettront en œuvre la stratégie nationale de santé ainsi que les plans et programmes de santé, dans le cadre de leurs compétences légales et dans le respect des conventions les liant à l’État ». (3° de l’article 1er du titre liminaire de la Loi Santé, modifiant l’article 1411-2 du code de la santé publique).

Généralisation du tiers-payant

La pratique de la dispense d’avance de frais est généralisée et systématique pour les mineurs de 16 ans ; elle ne peut cependant être opposée au médecin lorsque le patient ou l’ayant-droit de l’assuré n’ont pas choisi de médecin traitant ou consulte un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant.

Pour les patients de plus de 16 ans, les conditions de dispense d’avance de frais sont abrogées, rendant ainsi sa pratique obligatoire à l’exception des patients ne respectant pas le parcours de soins.

La généralisation de la dispense de soins devient par ailleurs une condition des contrats d’assurance maladie complémentaire (collectifs obligatoires ou individuels sous conditions de ressource), pour que ces derniers bénéficient des avantages fiscaux (défiscalisation pour l’employeur). Rappelons que dans ce contexte, les règles de défiscalisation prévoient depuis la loi HPST l’exclusion totale ou partielle de la prise en charge des dépassements d’honoraire.

Outre cette généralisation de la « dispense d’avance des frais », il est créé un « observatoire de refus de soins » chargé « notamment d’effectuer des tests de situation ».

Service Territorial de Santé au Public

Le service territorial de santé au public, STSAP, est piloté par les ARS dont les directeurs généraux sont habilités à « subordonner l’attribution de subventions » ou « subordonner une autorisation […] à la participation du bénéficiaire à un contrat territorial de santé ».

Ce service territorial de santé au public a pour objectif l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé par une meilleure coordination des acteurs de santé ; il structure les soins de proximité et organise les parcours de santé. Ce STSAP est mis en œuvre sur la base d’un diagnostic partagé et avec l’appui d’un conseil territorial de santé.

Le service territorial de santé consacre un hospitalo-centrisme administré par le seul directeur général de l’ARS concernée, appauvrissant d’autant le champ d’expertise des commissions médicales d’établissement, réduisant les établissements de santé privés au rang de variable d’ajustement (pour reprendre les termes du président de la FHP, Lamine Gharbi), sous condition de pratique tarifaire des praticiens y exerçant, sacrifiant les coopérations et missions de service public.

Dossier Médical Partagé

Mis en œuvre par la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (article 24, I, 3°, modifiant l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique), le DMP est créé sous réserve du consentement exprès de la personne. Chaque professionnel de santé, « quelque soit son mode et son lieu d’exercice », reporte les éléments diagnostique et thérapeutiques « nécessaires la coordination des soins » ; « les données nécessaires à la coordination des soins issues des procédures de remboursements ou de prise en charge qui sont détenues par l’organisme dont relève chaque bénéficiaire de l’assurance maladie sont versées dans le dossier médical partagé ».

Si le bénéficiaire peut à tout moment prendre connaissance des traces d’accès à son dossier, à la liste des professionnels et des équipes ayant accès à son DMP, modifier cette dernière, il n’est à aucun moment préciser que le bénéficiaire puisse s’opposer à la mise à jour de son dossier dès lors qu’il a autorisé sa création. En corollaire, en situation d’incapacité à exprimer son consentement, « les professionnels de santé accèdent au DMP d’une personne sauf si cette personne n’a pas consenti à ce que ce dossier soit consulté ou alimenté dans une telle situation ».

Cette nouvelle mouture de dossier médical unique et partagé témoigne d’un élargissement de la confidentialité des données médicales de chacun aux organismes d’assurance maladie, complémentaires compris au regard de la réforme du SNIIRAM (Système national d’information inter-régime de l’assurance maladie, décret d’août 2013). Les droits élémentaires de chaque patient au refus de transmission ne sont pas garantis en ce que ce DMP une fois créé sera alimenté sans rechercher expressément le consentement de ce dernier à chaque étape.

Le PLFSS 2015 (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale)

Le PLFSS 2015 répond aux attentes de certains élus de la majorité gouvernementale d’accélérer les réformes de santé.

Sans attendre les discussions et débats autour de ce projet de loi santé, ses articles 36 et 42 renforcent les pouvoirs des ARS sur les établissements de santé.

L’exemple du transfert de la Clinique Saint-Charles de Roussillon l’illustre : http://www.ledauphine.com/isere-nord/2014/10/15/salaise-sur-sanne .

La volonté affirmée de « renforcement de la qualité et la proximité du système de soins » est notamment déclinée par une « amélioration de la qualité et de la sécurité des soins en établissements de santé » (article 36) et un «  renforcement du pilotage régional de la pertinence des soins en établissements de santé » (article 42).

Au regard d’objectifs et de statistiques nationaux, la mise sous accord préalable des actes réalisés dans un établissement et des pénalités financières (jusque 1% des produits reçus des régimes obligatoires d’assurance maladie au titre du dernier exercice clos) sont définies.

On assiste bien là à l’ingérence de l’autorité administrative dans les pratiques, alors que, dans l’exposé des motifs de l’article 42, les enjeux de « pertinence » sont définis par :

« – des objectifs d’amélioration de la pertinence des soins, définis sur la base d’indicateurs de processus, destinés à être contractualisés avec un nombre relativement large d’établissements ciblés au niveau régional ;

– des objectifs de maîtrise du nombre des prescriptions, actes ou séjours non pertinents pour des établissements présentant des écarts importants avec les moyennes nationales ou régionales pour une activité comparable ou des pratiques non conformes aux recommandations de la Haute Autorité de santé. »

Ces projets de loi consacrent une médecine administrée collégialement avec les organismes d’assurance maladie, une ingérence dans les pratiques, les outils de contrôle et de suivi des patients, aliénant de facto l’indépendance professionnelle et la liberté des patients à exprimer leur refus d’alimenter leur DMP.

Cela corrobore les analyses que nous avons pu mener depuis 18 mois ; d’une pratique indépendante et loyale, nous passons à un exercice administré, sous injonction des assureurs.

Cette normalisation comptable et financière est contraire aux principes mêmes d’un exercice médical de qualité dans l’intérêt des patients.

Accepter cette évolution revient à se soumettre au seul statut d’effecteur de soins, d’officier de santé.

Accepter cette évolution, c’est passer d’une logique de prise en charge personnalisée et loyale à celle d’un process de soin industrialisé.

A chacun en conscience de faire ses choix, de prendre ses responsabilités.

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2 réflexions au sujet de « 9.1.1 – Loi Santé et PLFSS2015 »

    • Je pense surtout que les confrères comme la plupart des professionnels de santé sont submergés et ne se donnent pas le temps de lire les textes qui les concernent. Il en va de même, et c’est probablement le plus grave, de nombre de syndicats médicaux dont les communications récentes témoignent de leur confusion entre PLFSS et Loi Santé, et de leur vision parcellaire sans aucune vision de l’ensemble …

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